Le temps tombé du ciel : semaine 5 / La vie au temps du coronavirus / Photographe documentaire à Montréal

11 avril

À force de faire des apéros-conférences avec les amis, on a eu envie de se faire un matin pyjama avec la famille pour que N. participe. Ces conversations ne passeront jamais à l’histoire pour leur contenu, mais bien pour leur existence dans nos vies.

Nouvelle habitude avec toi : quand il fait beau lors de notre sortie de fin de journée, nous traquons les ombres dans la ruelle. Tu aimes beaucoup cette réalité double des choses. Sur mon dos, tu vois encore plus loin et plus haut.

Aujourd’hui, tu m’as même demandé : “ Regarde la belle ombre (l’escalier en colimaçon). Prends-la en photo! ”

12 avril

Aujourd’hui, c'est Pâques. 

Comme nous sommes plutôt sceptiques au sujet de la résurrection et réfractaires aux fêtes commerciales (la célébration du chocolat et des lapins), nous n'avions rien prévu de spécial à souligner. 

Les grands-parents ont lancé l'idée d'une chasse aux oeufs de Pâques. Avec enthousiasme, nous avons accepté d'embarquer, et sommes allés nous procurer le nécessaire cinq minutes avant la fermeture des commerces samedi. 

La partie au sujet du "lapin de Pâques" manquait de concertation et de pratique, mais l'idée était parfaite. Comme tu es curieux et as un excellent sens de l'observation, tu as vraiment adoré. Ce n'est pas en photo mais bien en vidéo que j'ai capté l'expérience - pour des souvenirs de ta voix, de tes yeux brillants et de tes pas de danse dans le gazon verdissant.

Nous avions originellement prévu décorer des oeufs, sans trop penser à quel point c'était ardu de faire sortir tout le contenu des coquilles. Nous avons terminé la journée apprivoisant la méthode de peinture à l'eau sur surface ronde et imperméable. 

Nous prenons des notes pour l'an prochain.

13 avril

Un mois de confinement.

Déjà.

Aujourd'hui, c'était un confinement quasi total, justement. Le ciel menaçant nous a fait écourter notre marche matinale. Puis, la neige fondante et les bourrasques de vent nous ont fait renoncer à notre jogging de fin de journée. 

À la place, nous avons osé un "entraînement à haute intensité" avec enfant, à l'intérieur. Tu étais un peu distrait et les jumping Jacks te laissaient dubitatif. En revanche, tu étais le meilleur assistant à redressements assis.

En souvenir de cette journée grise, Papa et toi en bédaine qui choisissez la vidéo pour nous motiver.

14 avril

La garderie est à quelques pas de la maison. En chemin, il y a deux beaux magnolias, que N. n’a encore jamais vu en fleur. Ces derniers temps, nous faisons un petit crochet au détour de nos balades pour voir si les bourgeons de fleurs commencent à se déployer. Et bien oui!

Dans quelques jours, ce sera un spectacle absolument majestueux.

Après avoir admiré les pointes de pétales roses qui pointent hors de leur enveloppe, nous avons poursuivi notre chemin jusqu’au CPE. Surprise : les éducatrices étaient affairées à nettoyer la cour! Nous avons pu échanger des nouvelles pendant que toi, un peu gêné comme toujours quand nous parlons entre adultes, tu escaladais la clôture.

Le thème de la semaine était donné : l’escalade!

De clôtures mais aussi de buttes escarpées des environs. Tu t’amusais à glisser sur les fesses comme sur une montagne de neige. Arrivés à la maison, ton habit de printemps a pris le chemin de la laveuse, pour être prêt à recommencer demain.

15 avril

Ce matin, je t’ai filmé pendant que tu construisais des structures en blocs legos : concentré comme toujours, minutieux, calme. Comme pour équilibrer le tout, tu as ensuite été pris d’une de ces envies de sauter! Le signe qu’il était temps de sortir jouer dehors.

En après-midi, ta chambre était à nouveau ce sanctuaire de calme, pour le repos. Pendant longtemps, tu peux te lire à toi-même tes histoires préférées. Et les blocs ne sont jamais loin.

16 avril

Tu sais que nous ne pourrons jamais avoir de chat. 

Ni de chien. Ni de quelconque bibitte à poils, à cause de allergies de ton père. Ces derniers temps, les chats et les chiens attirent ton attention plus qu'à l'habitude. Tu oscilles entre l'attirance et la crainte pour les deux bêtes. Tu ne comprends pas bien où commence et où se termine la liberté de chacune.

Presque chaque jour dans la ruelle, nous croisons "grosse patte", comme je l'ai appelé : un chat tigré couleur caramel (peut-être s'appelle-t-il ainsi, pour sortir du lot?) qui a un sixième doigt à chaque main. Tu aimerais beaucoup le flatter et le prendre dans tes bras. Malheureusement, il est plutôt farouche, et s'enfuit toujours par la même craque de clôture.

Nous ne sommes pas les seuls à être encastrés dans nos habitudes ces derniers temps.

17 avril

Nous t'expliquons et te montrons beaucoup de chose, sans trop de retenue ni de filtre. Nous t'enseignons le monde à partir des morceaux qui t'intéressent ou que nous jugeons intéressants. Et toi, tu construis ta compréhension du monde qui t’entoure par ces expériences que nous mettons à ta portée.

Ce matin, avant même d'avoir mangé le petit déjeuner, tu nous en as fait la preuve avec une nouvelle construction : l'esplanade du Stade Olympique (!). À ta demande, pour t'aider, j'ai complété la scène en construisant ma version du-dit stade.

La vie est un travail d'équipe.