Maman ou les images qui restent

L'importance que j'accorde aux photos me vient en grande partie de ma mère. En plus d'aimer poser, elle adorait prendre des photos : de son amoureux, de ses deux filles et parfois de paysages.

Elle imprimait tout en double, pour distribuer des souvenirs à la famille et aux amis. Elle nous a monté des albums uniques, à moi et ma sœur, remplis des moments forts de nos jeunes vies. Tout (ou presque) y est soigneusement daté - et parfois même commenté.

En 1989, elle remportait un concours organisé par le magasin photo du coin avec une vue de moi qui faisait semblant de cueillir des pommes dans le verger. Son prix? Une caméra automatique qui a remplacé le bon vieux reflex Minolta acheté 20 ans plus tôt pour le voyage de noces, et qu'elle a utilisé jusqu'à la fin de sa vie.

Aujourd'hui marque une autre année complète sans elle.

15, déjà.

Beaucoup de souvenirs se sont estompés dans ma mémoire depuis son départ dans les grands froids de février. Toutes ces images qu'elle a léguées me permettent de nous raccrocher à la force de ce bout de vie passé avec elle : la tendresse de son toucher, la richesse du vert de ses grands yeux, son sourire tantôt poseur tantôt espiègle, son rire à gorge déployée, son regard fier de nous (devant comme derrière la caméra).

Ma mère ma toujours encouragée en photo. C'est elle qui m'a accompagnée pour acheter mon premier réflex et mon équipement de chambre noire, qui me reconduisait à mon travail de labo quand je n'avais pas encore mon permis de conduire, qui m'achetait du papier chez Lozeau quand elle passait par Montréal.

Aujourd'hui, mon dévouement à fournir des souvenirs est entier. Les photos, les miennes comme celles prises pour mes amis et clients, je les chéris avec cette certitude profonde de créer des biens précieux, immuables, qui servent à se rappeler de quoi sont faites nos vies.

Merci Maman.

En mémoire de Ginette Gagnon (1954-2003)